On l’a connu chez Supernana avec Billy ze Kick et les gamins en folies, les Raggamins, Demain les poulpes, Antoine Zébra a depuis poursuivi sa carrière musicale en devenant le spécialiste des bootlegs (principe de mélanger 2 chansons), aujourd’hui on le retrouve avec son dernier album plus personnel « Plaisirs et dissidence », l’occasion pour nous de revenir sur cette folle époque (Propos recueilli en novembre 2016)

On a une émission de 1994, c’est la 1ere fois que l’on t’entend (normalement car on n’a pas tout de 94), tu reviens avec Billy ze Kick et les Gamins en folie du tournage du clip du morceau « Mangez moi », te souviens-tu si c’est ta 1ere rencontre avec Sup ou vous vous connaissiez avant ??

Je crois que c’est ma première rencontre, oui. Je me souviens qu’on écoutait Supernana en tournée avec le groupe, dans le camion, elle nous faisait marrer. Donc, quand on a été invité à venir, on y est tous allé. Nous sommes aussi repassés dans son émission à la fin de l’année 1994, quelques jours avant notre dernier concert à l’Olympia. On lui avait amené une bouteille de gin, elle aimait ça.

Avant cette émission, tu connaissais Supernana ?? tu avais quelle image d’elle ?? provocatrice grande gueule ??

Exactement. La radio libre par excellence. Tout pouvait arriver. Et tout arrivait, d’ailleurs !

Te souviens-tu de ta 1ère rencontre avec elle ? est-ce que le feeling est passé vite entre vous ??

En 1994, c’est d’abord tout le groupe qu’elle a aimé. Puis, début 1995, je lui ai envoyé l’album de Demain Les Poulpes qui venait de sortir. Le week-end suivant, elle a diffusé « André Power ». Je me souviens que j’étais en voiture, je me suis arrété sur le côté de la route pour écouter, j’étais super content car c’était ma voix de chanteur (alors que sur « Mangez-moi, je n’étais que choriste), j’étais super fier. Ensuite, on est vite devenu amis. Elle jouait nos chansons à la radio, et elle a programmé le groupe dans sa soirée aux Francofolies de La Rochelle. On lui a fait un show dingue, avec un poulpe géant gonflable, et les Nains de Jardin qui nous ont rejoint sur une chanson. Hallucinant ! Et puis on lui a envoyé l’album des Raggamins en septembre 1995. Joni Bob et moi avons été invités dans son émission pour la sortie, nous sommes montés à Paris exprès. Nous nous sommes déguisés en grandes folles, j’ai traversé le Forum des Halles en moumoute, perruque et string rose, et on est entrés chez Skyrock en pleine émission pour lui faire la surprise. Je n’oublierai jamais la tête qu’elle a fait en nous voyant ! Ensuite, nous sommes sortis au Banana Café comme ça, nous avons chanté « Un balai dans la cul » au piano devant Véronique Sanson et Pierre Palmade. Et le lendemain, elle nous a emmené à la soirée disco du Queen, nous étions assis à la table de Diego Maradona. Avec elle, tout pouvait arriver !

Beaucoup ont connu ton début de carrière musicale par Supernana (BZK et les Gamins en folie, les Raggamins, Demain les Poulpes) quand à cette époque vous faisiez des concerts, tu rencontrais beaucoup d’auditeurs de Sup ?? on t’en parlait souvent ?? on peut dire que Sup a été un bon coup de projecteur sur tes différents projets ?? Tu as même fait la scène des Francofolies de la Rochelle grâce à elle

Nous n’avons pas souvent eu l’occasion de parler de Supernana à nos concerts. Mais on savait qu’elle nous donnait une sacrée visibilité, à nous et à des artistes complètement décalés. Et ça faisait du bien. Ca nous a rapproché des Saï Saï, dont j’étais déjà fan depuis longtemps. Le concert à La Rochelle avec eux et 13NRV, c’était fou, j’ai rarement autant ri sur scène.

Aujourd’hui encore, ceux qui suivent ta carrière musicale t’en parlent ??

Non, pas beaucoup. Dommage. Mais moi, j’ai parfois parlé d’elle à la radio, même avant son décès. Je tenais à ce qu’on sache que beaucoup d’animateurs lui doivent d’être aussi libres à l’antenne. La façon dont je fais de la radio, encore actuellement dans « La Tournée » (chaque week end sur La Grosse Radio), est inspirée par sa liberté de ton et de programmation. Sans concessions.

Revenons à ton parcours. A l’époque de BZK, tu faisais aussi de la radio à Rennes, tu es un enfant de la radio ?? tu as connu l’époque des créations de la radio libre ??

J’ai l’impression d’avoir toujours fait de la radio libre. J’ai commencé à PFM (Arras), dans une émission de punk-rock, puis j’ai travaillé comme réalisateur-animateur dans une radio à Cambrai en 1991. J’ai ensuite fait mon objection de conscience (service civil obligatoire) dans une radio catho à Rennes, tout en essayent de bousculer les codes. C’est dans cette radio que j’ai rencontré Nathalie (Billy Ze Kick). Il m’est arrivé, pendant une courte période, d’animer sans choisir ma programmation, mais ça ne m’a pas plu. Depuis, je réalise et produis mes émissions et je les vends pour diffusion, en totale indépendance. Et ça fait 25 ans que ça dure.

Avant BZK tu faisais déjà de la musique ?? comment a commencé cette aventure BZK, vous étiez une bande de potes ??

J’ai commencé la guitare classique à l’âge de 9 ans, à Ham (Somme), là où j’ai grandi. Ecole de musique, solfège… puis guitare électrique et premier groupe à Cambrai quand j’étais aux Beaux Arts. J’ai commencé à vivre de la musique en tournant avec Billy Ze Kick & Les Gamins en Folie, dès 1993. Ils avaient déjà sorti l’album, le groupe existait depuis quelques années. Je les ai rejoint car ils cherchaient un bassiste. Joni Bob est arrivé quelques mois plus tard. Je jouais déjà avec Demain Les Poulpes à cette époque, nous étions dans le même délire, on se connaissait. J’organisais des sound system reggae-ragga, ils venaient aux soirées… ça nous a tous rapproché.

Avec Joni Bob, vous avez créé les Raggamins avec le tube « Le raggalette » que tu as déjà chanté dans cette émission avec BZK dont j’évoquais plus haut, tout en jouant avec Demain les Poulpes, tu n’arrêtais pas à faire des concerts ??? les 3 projets musicaux étaient en même temps ??

Les Raggamins ont commencé comme un interlude dans les concerts de Billy Ze Kick. On n’avait que 2 chansons. Après la dissolution du groupe fin 1994, Joni Bob et moi (plus Arno Futur) avons écrit une quinzaine de chansons pour un album, qu’on a enregistré nous même. Ca sent l’artisanat à fond, mais c’est ce qui rend le disque attachant. Même encore actuellement, pour mes albums, j’enregistre beaucoup de cette façon, à l’instant où il se passe un truc. Sinon, oui, de 1994 à 1997, je tournais avec ces groupes, en plus de mes DJ-sets en sound-systems. Puis le DJ a vraiment pris le dessus dès 1997.

Toujours en contact, amis avec les anciens membres du groupe ??

On se voit parfois à Rennes, oui, surtout Nathalie (BZK) avec laquelle je correspond sur facebook. Elle tourne beaucoup en ce moment, en solo. Bingo (Benoit Careil) est adjoint à la culture à la Mairie de Rennes, on se voit quand on peut. Les autres, je les vois moins, mais je m’intéresse à ce qu’ils deviennent.

Parmi les 3, ça reste BZK qui a rencontré le plus de folies à cette époque ??

De succès, oui. Mais avec Demain Les Poulpes, on a fait des trucs de tarés, bien plus dingues. Il fallait nous voir arriver, en tenue disco dans les clubs ! Joni Bob nous a accompagné en tournée en 1995, on était intenable. J’ai des photos… j’en ris encore. Je ne peux pas te raconter toutes les anecdotes, ce serait trop long, mais il y a de quoi écrire un sketch.

Revenons à Supernana. Sur l’album « Les Raggamins et le Grand Cheval », vous avez fait une chanson sur Supernana, c’était un remerciement, un hommage à elle ?? quel rôle tu dirais qu’elle a joué dans ta carrière (coach, rencontres artistiques??) voir même dans ta vie perso ??

Supernana nous avait demandé de lui composer un générique pour son émission sur Skyrock. Alors on lui a fait. Mais elle n’a pas eu le temps de s’en servir, elle s’est faite virer peu de temps après. Alors je l’ai mise sur le deuxième album. Ca l’a beaucoup touché. Ensuite, quand je suis arrivé à Paris, début 1999 (avec ma femme, rencontrée dans son émission à Skyrock en 1995, la fameuse émission où je suis arrivé en moumoute et string), Supernana m’a présenté les patrons du Scorp et de La Luna, boites gay dans lesquelles j’ai fait des soirées salsa. Grâce à elle, j’ai joué tout un été au Pulp, et c’est dans cette boite que je suis devenu le « DJ Zebra » qu’on a connu, en prenant la résidence des soirées « Dans mon garage » dès 2002, donc je lui dois beaucoup.

 

Tu dois avoir pleins de souvenirs de cette époque skyrockienne (on a une émission avec toi et Zéphiryn de 13NRV et une autre avec Joni Bob et le prince de Haynin en 1995), ton meilleur souvenir une anecdote de cette époque ?? Après les émissions vous sortiez au Queen ou autre boite parisienne ?? on imagine que c’était la grande fête avec elle, non ??

Mon meilleur souvenir, c’est d’avoir dormi chez elle, quand elle habitait rue Lafayette avec le Prince de Haynin. Une fois sortie de son circuit habituel, c’était une vraie maman. J’ai dormi dans un lit de camp, dans le salon, avec des armoiries et portraits des aïeux du prince accrochés aux murs, c’était surréaliste, quand même.

Et même quand tu faisais tes soirées Zebramix, elle venait encore faire la fête, une sacré énergie !!!

Elle est venue une seule fois, à la soirée Zebramix à l’Elysée Montmartre en avril 2007. Elle habitait à 10 minutes de la salle, on est allé la chercher et la raccompagner, car elle n’était plus en bonne santé. Elle était contente qu’on ait gardé le contact, car elle a été oubliée par tout le milieu de la radio, à part Laurent Petitguillaume, Raphaël Mezrahi et Laurent Baffie. C’était cruel. Ma femme et une de ses amies gardaient le contact, on est allé la voir plusieurs fois.

Toi qui l’a toujours fréquenté après son éviction de Skyrock, as-tu une explication sur le pourquoi aucune radio n’a confié une émission à Sup ?? elle en a refait un peu plus tard sur une radio du net Fréquence 3 mais ça été un peu compliqué pour elle ce format, j’avais la chance à cette époque de la connaitre et c’était une vraie droguée de la radio. C’est une femme trop libre, pas assez formatée pour la radio ??

Déjà à l’époque, la radio imposait un format. Supernana l’explosait, et tout le monde fermait sa gueule. Je suis allé assister à quelques émissions qu’elle faisait sur internet, mais ça n’avait plus beaucoup d’impact. Beaucoup se réfèrent à ses années Carbone 14, mais peu citent ses années Skyrock, qui sont pourtant hyper excitantes. Maintenant, il est impossible d’être totalement libre sur une FM. J’ai essayé moi même, tant que j’ai pu, mais je crois que c’est fini… sauf pour quelques humoristes comme Pierre-Emmanuel Barré sur France Inter, le plus proche de l’esprit Sup à mon goût.

A Ciel ma Sup et en discutant avec les visiteurs du site on a tous la même remarque, on trouve que ça s’écoute toujours aussi bien alors que ces émission ont plus de 20 ans, peut-être que l’on est trop nostalgique et pas assez objectif mais ne trouves-tu pas aussi que Supernana avait un ton à part, impertinente et moderne, un talent fou qu’on a du mal à retrouver après elle, ce qui expliquerait pourquoi 20 ans après ça s’écoute toujours aussi bien ?? (on a eu il n’y a pas longtemps un gars de 22 ans qui découvre Sup sur notre site et adore, c’est assez fou)

Ce qui était extraordinaire chez elle, c’est qu’elle pouvait être à la fois mordante et très amicale, vache et humaine. Elle aimait les auditeurs, elle voulait que son émission les excite. Et avec un vrai talent d’animatrice, sans temps mort. Son émission était parfaitement rythmée, elle jubilait en la faisait, autant que nous en l’écoutant. Ça, c’est rare.

Si tu dois décrire Supernana à quelqu’un qui ne la connait pas que dirais-tu ?? ses qualités ses défauts ??

Quelqu’un qui va tellement loin dans tout qu’elle t’enlève tous tes complexes. « Grossière, oui, mais je t’emmerde. »

Aujourd’hui un site internet avec pleins d’émissions, Sup va encore nous faire rire longtemps, un mot à dire à ceux et celles qui vont découvrir ou re-découvrir Supernana en allant sur notre site ?

Vous faites un travail formidable.

Dernières questions, ton actu, tu viens de sortir un nouvel album, 1ere fois sous Antoine Zebra et non DJ Zebra, lancé sur Ullule « Plaisirs et dissidence » :

Je trouve qu’il y a une bonne balance entre la voix et la musique, j’ai l’impression d’entendre un live, unplugged, que j’entendrais le même son si j’étais à un de tes concerts, la production est top, très agréable, perso j’adore « je pense à toi », magnifique balade rock, tu fais énormément seul, parole, chant, guitares, basse, rythmes et même les dessins sont de toi, tu es auto-didacte ?? Pas trop compliqué aujourd’hui d’arriver à faire son chemin dans la musique ??

Pour cet album, j’ai souhaité faire le maximum de choses seul, car c’est une introspection. Je me livre beaucoup, d’où l’ajout de mon prénom, pour personnaliser cette oeuvre. Il y a mes 2 compagnons Stéphane et Nicolas aux cuivres, je suis heureux de leur avoir trouvé une belle place, mais j’ai surtout voulu valoriser ma voix et ma guitare. C’est comme ça que j’aime m’exprimer désormais. Evidemment, c’est un album plus sensuel que consensuel, et je ne pense pas en vendre des dizaines de milliers, mais je l’aime particulièrement. Et  c’est tout ce qui compte. Le chemin dans la musique, c’est celui qu’on se trace.

Des concerts prévus un peu partout en France dans le cadre aussi de ton émission la grosse radio ??

Oui, je vais faire des concerts en 2017. Déjà, il y a une belle date à Paris le 16 Mars, aux Trois Baudets. Ca me laisse le temps pour travailler le spectacle avec la bonne formation. Je souhaite jouer dans de petits endroits, pour me sentir proche des spectateurs, qu’ils puissent bien écouter mes mots et mon jeu. Donc, fini le climat festif façon DJ, je veux de la proximité.

Dorénavant on verra moins DJ Zebra au côté de Cali sur scène et plus Antoine derrière sa guitare ??

DJ Zebra est mort. Ou disons, je ne le remets pas sur le marché. Il se peut que je participe à des événements en tant que DJ si ça m’amuse, mais ma priorité est de chanter mes chansons, avec ma guitare. Et ça va durer un bon moment.

Merci Antoine Zébra
http://www.zebramix.fr/